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Pourquoi il n'est pas toujours facile de comprendre l'Evangile ?

Le message de Jésus n'est pas difficile à comprendre intellectuellement parlant comme peut l'être une philosophie comme celle de Platon, Descartes ou Sartre. Il réussit l'exploit de combiner deux qualités un peu contradictoires : son message fait preuve d'une grande profondeur tout en étant accessible à tous . Il se dégage de son discours une sagesse, qu'on trouve peu dans les philosophies traditionnelles.

Pourtant, me direz vous, ce n'est pas toujours facile de comprendre l'évangile, sans être accompagné. D'où vient alors la difficulté ? De la différence entre l'époque du Christ et notre civilisation ; en 2000 ans d'histoire les mentalités ont changé.

On peut comparer son époque à la nôtre sur trois plans :

Jésus a connu une civilisation rurale, nous, urbaine ; une société artisanale, nous, industrielle, lui une civilisation remplie de religiosité, nous, nous vivons une époque scientifique et laïque.

Donnons quelques exemples. Jésus, vivant dans un univers agricole, s'inspire souvent de la nature et du travail de la terre. L'évangile colle au réel dans ses moindres détails, il était un écologiste avant la lettre. Il devait certainement s'occuper du potager de ses parents, avant ses trente ans tant ses connaissances horticoles sont grandes. Quiconque a fait du jardinage sait bien qu'il ne faut pas arracher les mauvaises herbes avant que les bons semis aient poussé suffisamment. Sinon comme dit Jésus en fin connaisseur, vous risquez d'arracher le bon grain avec l'ivraie, car les jeunes pousses sont plus fragiles que les mauvaises herbes qui grandissent toujours là où il ne faut pas.

Il est certain que les habitants des villes, qui n'ont pas le bonheur de cultiver un potager ne sont pas toujours sensibles à ces allusions, à ses comparaisons, à ses histoires écologiques.

Différence entre une civilisation artisanale et industrielle

Du temps de Jésus, la production des biens était le fait surtout d'artisans qui travaillaient avec des outils rudimentaires, chez eux, dans leur maison. De plus on vivait en auto production, chacun produisait une grande partie de son alimentation. Ainsi beaucoup de paraboles et de récits nous parlent du travail des hommes, par exemple : des vignerons et des journaliers qui vont dans les vignobles, le semeur qui sème à la volée dont s'inspirera Victor Hugo pour évoquer son geste auguste, les pêcheurs du lac de Tibériade qui n'ont rien pris toute la nuit. Quand il prend la métaphore du levain dans la pâte, cela suppose que beaucoup d'enfants ont vu leur mère faire du pain alors que celui-ci est désormais fabriqué de façon industrielle, on ne sait dans quel endroit.

La troisième différence est plus difficile à saisir.

Nous vivons dans une mentalité scientifique, cartésienne, dit-on, qui exclut tout ce qui est mystérieux… Chez nous, tout doit avoir une explication rationnelle.

Au temps de Jésus, c'est différent, les mentalités sont fort religieuses et le miracle fait partie de la vie de tout prophète, de tout envoyé de Dieu. Cela va poser pour nous une question d'interprétation. Comment comprendre ces récits : quand le Christ marche sur les eaux, multiplie les pains, calme la tempête, rend la vue aux aveugles, fait marcher les paralytiques, chasse les démons…? Notre mentalité qui cherche à tout comprendre, à tout expliquer n'accepte pas facilement de tels récits. Les évangélistes ont certes accentué le côté mystérieux, légendaires des récits, mais jusqu'où ? Voilà la question.

Dès lors, ce qui rend l'évangile difficile à comprendre ce n'est pas son côté trop philosophique mais plutôt la grande différence de mentalité entre notre époque et la sienne. C'est pourquoi tout le travail du prédicateur consiste donc à interpréter l'enseignement de Jésus en langage d'aujourd'hui, à partir du texte ancien pour en montrer toute la nouveauté, toute l'actualité.

Jean-Marie Delcourt ( 31/08/12)