Pour comprendre ce récit, il faut le relier à son contexte, à savoir les 11 premiers chapitres de la Genèse. Ces récits primitifs (mythiques) tendent à expliquer la condition humaine et spécialement l'existence du mal. Ils laissent souvent penser que Dieu est responsable des malheurs des hommes. Ceux-ci sont présentés comme une punition que Dieu envoie pour punir les hommes de leur péché, présenté comme la manifestation d'un orgueil démesuré : "Vous serez comme des dieux"( Gen 3,5) " Bâtissons une tour qui montera jusqu'aux cieux" (Gen 11,4) Ainsi le travail pénible, l'enfantement dans la douleur, le déluge, la désunion entre les époux, entre frères, entre les peuples (Babel), tout cela s'expliquerait par la volonté délibérée d'un Dieu qui veut se venger d'un homme qui ne lui est pas soumis.
Mais cette présentation est fort simpliste : cette façon de rendre Dieu responsable du malheur de l'homme n'est qu'une manière de parler. La Bible veut expliquer, à travers ces récits légendaires, que le mal est dans l'homme.
Dieu n'est pas en concurrence avec l'homme, il n'a pas peur de sa puissance et n'a pas d'intérêt à diviser les humains pour mieux les dominer. Il fait seulement constater que lorsqu'on ne suit pas le chemin du respect de l'autre et de la différence, on crée un monde d'injustice et d'inégalité. Il faut partir de cette citation : "Voici que tous forment un seul peuple, parlent une seule langue et ce n'est que le début de leurs entreprises. Maintenant, ils peuvent tout faire…"
Babel, c'est quand l'homme, en voulant éviter la diversité, croit pouvoir réaliser l'unité du genre humain par l'uniformité. Cette volonté d'uniformité engendre souvent des dictatures, des guerres, des souffrances insupportables. Babel, c'est le projet fou des nazis de vouloir fonder une société sur une seule race, supérieure, celle des seigneurs et d'exterminer les différences (juifs, handicapés, vieillards, tziganes etc.) Babel, c'est le nationalisme de tous les mouvements d'extrême droite qui refuse une société multiraciale. Babel, c'est une mondialisation économique mal comprise, basée sur la pensée unique qui fait du profit un dieu et l'économie de marché une religion.
Le message est plutôt celui ci : le chemin idéal est celui qui ne confond pas unité et uniformité. Une lecture chrétienne de Babel conduit à remettre en question tout orgueil qui enferme dans des tours prétentieuses et isole des frères. Les appels à l'unité et à la solidarité traversent la Bible. Dieu désire que les hommes soient unis et solidaires. Mais pas n'importe comment. Ceci sera expliqué par le récit de la Pentecôte, dans la newsletter de juin.