2 - Parabole des 'invités au repas de noces' : 'prendre la dernière place ?'

Le royaume de Dieu annoncé par Jésus est l'endroit où tout est mis à l'envers : l'humilité, la générosité, le don gratuit sont des valeurs qui n'ont pas bonne presse aujourd'hui, dans un monde où tout s'achète, où tout se vend, où il faut jouer des coudes pour faire carrière….

Quand alors Jésus nous donne ce conseil :" restez plutôt à la dernière place", cela pose problème. Que veut-il nous dire ? Veut-il nous humilier ? Veut-il que le chrétien reste dans l'ombre, ait une vie cachée et qu'il cède toujours sa place aux autres ?
Non, pas du tout.  Il ne faut pas confondre humilité et humiliation.
Pour bien connaître sa pensée, il faut toujours la confronter à d'autres paroles : à un autre moment, il dira que le chrétien doit être la lumière, qu'il ne faut pas tenir sous la table mais qui doit éclairer tous ceux qui sont dans la maison.
Mais alors que veut-il nous dire dans ces formules qui semblent paradoxales. Voyons ce que peut vouloir dire cet éloge de l'humilité.

L'humilité, c'est d'abord, se reconnaître tel que l'on est, ne pas se croire supérieur aux autres, surtout quand cela ne se vérifie pas.
Il y en a qui se croient, comme on dit familièrement, sorti de la cuisse de Jupiter, qui se prennent facilement pour le nombril du monde : ils sont à ce point vantards et orgueilleux qu'ils ont toujours tout vu, tout entendu et tout bien fait. Quand ils ouvrent la bouche c'est pour accaparer toute l'attention et de plus s'ils parlent, c'est pour parler d'eux-mêmes, de leur vie, de leurs exploits ou alors de leurs problèmes, de leurs difficultés ( comme si les autres n'en avaient pas). C'est souvent gênant de parler avec eux, car il n'y a pas de dialogue, pas de partage possible. On dirait que pour eux, les autres n'existent pas.

Être humble, c'est ne pas accaparer tout pour soi, par exemple l'attention, mais savoir écouter l'autre, accaparer l'argent, mais vivre dans la simplicité volontaire, se contenter du nécessaire et éviter les signes extérieurs de richesse, accaparer l'influence, quand grâce à nos relations on se hisse à une situation supérieure aux autres au détriment de quelqu'un de plus compétent ; dans ce cas les autres deviennent un moyen de se réaliser soi-même, un marchepied. En politique, on appelle cela du clientélisme.

Être humble, c'est aussi prendre la place qui nous revient et cette place peut être la première. Jésus n'exclut pas la possibilité d'assumer de grandes responsabilités ou de gravir l'ascenseur social, comme dans la parabole des talents, par exemple. Chacun a le devoir de développer les talents reçus, au lieu de les enfouir en terre.

On doit être humble aussi pour une autre raison. En effet celui qui est vrai avec lui-même doit reconnaître que ce qu'il est devenu, il le doit certes à ses efforts personnels mais aussi à tout ce qu'il a reçu des autres.
Être humble, dans ce sens, c'est reconnaître notre dette envers les autres. Si nous occupons une place honorable, c'est à d'autres que nous le devons, à nos parents qui nous ont éduqués, à nos professeurs qui nous ont enseignés, aux amis qui nous ont soutenus, à Dieu qui nous a prodigué des dons.
Être humble, c'est reconnaître que ce que nous sommes, c'est en grande partie aux autres que nous le devons.

Vous l'aurez compris cet enseignement de Jésus sur l'humilité va à contre courant des valeurs de notre société de gagnants et du chacun pour soi,. Ce n'est plus aujourd'hui se pousser pour prendre les premières places du banquet ( et encore) mais c'est chercher à se faire voir à la télévision, sur la photo à paraître dans le journal, à côté d'une personnalité connue du public… Si tu n'es pas vu dans les médias, tu n'existes pas. Il faut occuper l'espace médiatique si on veut qu'on ne vous oublie pas. C'est le domaine du paraître non de l'être.
Pourtant ceux qui agissent pour le bien de leurs concitoyens ou des plus pauvres reste souvent dans l'ombre…
Et pour paraphraser Jésus, dans cet évangile, on peut dire aussi que plus on porte de l'attention aux faibles, aux étrangers, aux immigrés, aux défavorisés, aux précarisés de toutes sortes, plus nous construisons le royaume, plus nous bâtissons un monde selon le plan et les vues de Dieu.

Jean-Marie Delcourt (22/10/12)