La montée des populismes et de l'extrême droite en Europe

Le populisme est occupé à gripper la mécanique démocratique jusqu'à la rendre inopérante. Certes le terme « populisme » peut être positif ou négatif selon le sens que l'on donne au mot « peuple ».

Dans un sens positif, il s'agit de l'ensemble de la population d'un pays en âge d'exercer son droit électoral. Ainsi, les parlements représentent le peuple dont ils tirent leur légitimité : « Vox populi, vox Dei ». Les tribunaux d'assises donnent leur verdict au nom du peuple. C'est ce sens qu'on retrouve dans les mots d'ordre des révoltes arabes ou israéliennes : « Le peuple veut la justice sociale », « Le peuple veut la chute du système ».

Mais ce peuple, pris globalement, est diversifié et représente toutes les facettes de la société, sombres comme lumineuses. Les partis populistes flattent le peuple dans ce qu'il a de moins bon. Ces partis populistes, comme le FN en France, la NVA en Belgique, « les vrais Finlandais », les partisans de Geert Wilders aux Pays-Bas,... gagnent du terrain quand les partis au pouvoir n'écoutent pas assez les vraies doléances de la population précarisée par les jeux scandaleux des marchés et les incohérences des politiques libérales et capitalistes :

• quand on pénalise les chômeurs parce qu'ils ne trouvent pas un emploi alors qu'il n'y en a pas pour tout le monde ! 
• quand l'Europe est perçue seulement comme un grand marché sans "âme", encourageant le dumping* social et incapable de soutenir un fond d'aide aux plus démunis, on comprend sans l'approuver la tentation du repli sur soi.
• quand les patrons et les actionnaires d'entreprises se remplissent les poches de parachutes dorés, de dividendes, de stocks options. Quand les pauvres sont de plus en plus nombreux et de plus en plus pauvres, quand les riches sont de plus en plus riches, nous avons là un terreau favorable au vote extrême.

Le vote « extrême droite », avant d'être un vote raciste, est un vote de protestation et non pas un vote de conviction, quoiqu'en disent les dirigeants de ces partis populistes qui savent eux très bien ce qu'il y a dans leurs programmes et comment jouer sur les angoisses des gens.

C'est un vote qui envoie le même message que l'abstention : « Tous pourris ». Les citoyens déboussolés pensent que c'est le seul choix qui leur reste ; le monde politique -du moins ceux qui ont exercé le pouvoir- est complètement discrédité.

Le populisme naît à partir du moment où nos dirigeants politiques ne s'intéressent plus au « peuple d'en bas ». Il naît de la coupure entre une petite élite qui détient une majeure partie des rouages de la société et l'ensemble de la population, qui n'a plus grand-chose à dire. C'est ce que REX, en Belgique, avant la guerre de ‘40, nommait « le pays réel ».
Beaucoup de "petites gens" ont l'impression de n'être pas représentés dans les instances parlementaires. La vie politique est devenue un métier qui ne peut être exercé que par une certaine élite. Parmi les élus, peu de femmes, peu de citoyens issus des classes défavorisées ou de l'immigration et même des classes moyennes.

L'autre danger du populisme, c'est qu'il a besoin de boucs émissaires pour trouver des responsables aux situations indignes que vivent beaucoup de nos concitoyens : les immigrés, les demandeurs d'asile, les Roms et les Tziganes, les musulmans qui prient dans les rues et qui demandent des mosquées, etc.

Que faire, dès lors, lorsqu'un mouvement "fascisant" se sert du suffrage universel pour pervertir le système ?
Il faut prendre le mal à la racine au lieu de courir après les partis d'extrême droite, sachant que l'électeur préfère toujours l'original à la copie. On ne soigne pas un mal de dents avec de l'aspirine. Pour cela, identifions le terreau sur lequel grandissent ces partis et les raisons pour lesquels des électeurs leur font confiance. Sans être un grand expert, il est assez facile de les décliner : la précarité croissante, le chômage qui en est souvent la cause, les inégalités qui se creusent, la corruption qui s'étale au grand jour, les injustices sociales toujours plus insupportables…
Mais qui aura le courage de prendre ces sujets à bras le corps pour y remédier de façon radicale ? Seuls ceux qui auront cette volonté politique pourront nous éviter les maux qui nous menacent. Ne recommençons pas les erreurs du passé de l'entre deux guerres par notre aveuglement irresponsable.

* pratique consistant à casser les prix sur les marchés extérieurs

Jean-Marie Delcourt