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La crise financière que nous traversons n'est que la partie visible de l'iceberg, le symptôme d'un mal plus profond. C'est toute notre société qui est gangrenée par le capitalisme. Churchill qualifiait d'optimiste celui qui voit une chance derrière une catastrophe. En ce sens, la crise actuelle peut être bénéfique. Elle fait apparaître les disfonctionnements et les absurdités du système capitaliste dont beaucoup vantaient les bienfaits. Fini les mensonges, les évidences, les dogmes, la pensée unique qui finissait par nous faire croire qu'il n'y avait pas d'alternative, que c'était le seul système qui permettait de produire des richesses dans un état démocratique. Ceux qui ont vu arriver le désastre en pensant le contraire recommencent à donner de la voix et à proposer un autre modèle de société, une autre façon de "vivre ensemble". Mais avant cela, il nous faut un bon diagnostic, bien identifier les causes de la maladie : la perversité du système économique libéral et son idolâtrie de l'argent. La crise n'est pas seulement économique, c'est une vraie crise de civilisation, une crise profonde qui se situe à plusieurs niveaux.
Une crise de l'argent
L'argent est devenu un but en soi au lieu d'être un moyen de faciliter les échanges économiques. Le problème majeur n'est pas un manque de liquidités. Depuis les réformes des années 1980, plus de 90 % de la masse monétaire sert principalement à spéculer plutôt qu'à investir. Les chevaliers de l'industrie ont cédé la place aux chevaliers de la finances qui nous ont amenés dans le mur. Ils ont abandonné "l'économie réelle" c’est-à-dire les usines, les industries, les services publics, l'agriculture... pour "l'économie virtuelle".
Une crise de l'économie
Nous sommes essentiellement dans une économie marchande. Une entreprise est bonne si sa production se vend bien. Or, on ne se pose pas la question de sa finalité. Le but de l'économie n'est pas d'abord de faire du profit mais de répondre à des besoins. L'agriculture sert d'abord à nourrir la population et non à faire d'énormes bénéfices. De plus, si vous n'êtes pas solvables -sans pouvoir d'achat, vous n'intéressez personne. Il faut remettre l'économie et non la finance au service de l'homme.
Une crise de la société de consommation
Notre société a lié l'argent au travail (salaire) et l'emploi à la consommation, le tout chapeauté par la croissance. Plus la consommation augmente, plus la croissance est forte qui entraîne la production laquelle nécessite de la main d'œuvre. Nous tournons dans un cercle vicieux, car enfin le PIB (le Produit Intérieur Brut qui mesure la croissance) n'a rien à voir avec le bonheur des gens. Ne faudrait-il pas profiter de cette crise pour casser ce mécanisme pervers et trouver un autre baromètre ? L'être humain a autant besoin de liens que de biens.
Une crise des valeurs
Les valeurs qui sous-tendent l'économie libérale font appel à ce qu'il y a de plus bas dans l'homme : la cupidité, la concurrence, la compétitivité, le chacun pour soi, le gaspillage. C'est du darwinisme social : la loi de la jungle. On a réduit le mot "valeur" à une valeur comptable (valeurs boursières) et confondu le bonheur avec la consommation. Le grand échec du capitalisme, c'est qu'il n'a pas tenu ses promesses : le développement pour tous. Il n'a fait que creuser les inégalités sociales et salariales : la rémunération du capital est plus élevée que celle du travail. Pourtant une société vraiment humaine se mesure à sa capacité d'intégrer les exclus, les pauvres, les chômeurs, les handicapés. Il faudra donc redéfinir certaines notions comme le progrès, la croissance, le développement durable ou non et refonder une nouvelle civilisation sur des bases plus proches de celles de l'évangile telles que le partage, la justice sociale, la sobriété joyeuse, l'égalité..
Et pour ne rien arranger, la crise écologique vient coiffer toutes les autres crises, car à quoi bon relancer la machine économique telle quelle si c'est pour se rendre compte que le réchauffement climatique et ses conséquences risquent de faire disparaître l'humanité elle-même.
Jean-Marie Delcourt
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