« Le pas des mendiants fera trembler la terre » ( G. Bernanos 1943)

La prophétie de Georges Bernanos commence à se réaliser. Sur nos écrans nous avons tous vu ces centaines de migrants venus d'Afrique centrale, du Moyen Orient et du Maghreb se noyer dans les flots de la Méditerranée, transformée en cimetière marin.

C'est pourquoi un sommet européen s'est tenu , en urgence (!), ce 23 avril à Bruxelles pour trouver une solution à ces flux migratoires, assumés jusqu'à présent par l'Italie et la Grèce.

Mais au regard de ce que font les autres pays riverains , comme la Turquie ( un million de réfugiés, autant au Liban et en Jordanie ), cette réunion qui devait relever le défi d'un flux migratoire colossal sur dix ans , a accouché d'une souris.

Il faut dire qu'au niveau de l'Union Européenne (UE), la question des migrations n'est pas solidarisée, « communautarisée » comme ils disent. Chaque pays peut mener la politique que chacun choisit pour ne pas déplaire à une majorité d’électeurs et de partis qui ne voient pas d'un bon œil l'arrivée de tous ces migrants. Dans le traité de Dublin , il est prescrit que c'est le premier pays d'accueil qui doit assumer la régularisation de chaque demandeur d'asile...

Il n'y a pas de politique commune, ni de répartition des migrants dans l'ensemble de l'UE en fonction des besoins et des capacités d'intégration.

Le résultat tangible , c'est qu'on va renforcer l'agence Frontex ( 3 fois l'ancien budget) située à Varsovie , c'est à dire la surveillance en mer et au besoin le sauvetage.

Rien qui ressemble à un sursaut à la hauteur du drame humain. Cela revient à « militariser » la Méditerranée et essayer d'éloigner au maximum les réfugiés des côtes, les dissuader de partir en rendant la traversée plus difficile et en détruisant les cargos pourris affrétés par les passeurs, considérés comme des trafiquants d'êtres humains.

C'est un peu court : comme disait Amnesty «  il faut plutôt protéger les migrants que les frontières ».

Ce qu'il faut bien comprendre, c'est que, avec ou sans passeurs, ce type de flux migratoire continuera tant qu'on n'en aura pas éliminé les causes.

C'est illusoire de penser que l'on va maintenir un îlot de richesse dans un océan de misère. Même en construisant des remparts autour de la forteresse «  Europe » !

Beaucoup se cachent derrière un discours convenu en reprenant la réflexion de Michel Rocard : « On ne peut pas accueillir toute la misère du monde »,mais on oublie la fin de la phrase : « mais on peut en prendre une partie et essayer de découvrir notre part de responsabilité . »

Tant que les entreprises occidentales continueront à piller les ressources naturelles de ces pays sans que les populations puissent en bénéficier, la situation restera inchangée.

Tant qu'il n'y aura pas de développement, la situation ne pourra pas évoluer.

Tant qu'on pensera que la solution est militaire, on ne fera qu'ajouter du malheur au chaos.

Il faut donc agir sur plusieurs fronts.

La responsabilité est politique, donc la solution doit passer par le politique, mais pas seulement.... La responsabilité est également morale , la solution devra passer aussi par un changement des mentalités.

Ces migrations sont le signe tangible du bien fondé de l'adage « une croissance infinie dans un monde fini est impossible ». Si nous voulons maintenir notre mode de vie à l’occidentale, (comme disait G Bush), il nous faut 4 terres.

Ce qui a pour conséquence que sur notre planète, les 20 % des habitants les plus riches s’accaparent près de 86 % des ressources naturelles.

Dès lors si nous voulons vivre dans un monde apaisé, il nous faudra partager par quatre nos richesses et notre façon de vie.

Ce qui signifie diminuer notre train de vie , basé sur la consommation et le gaspillage à outrance. On comprend que cela peut faire peur aux populations des pays nantis européens et les pousse à voter pour les partis nationalistes et d’extrême droite qui leur promettent qu'on ne touchera pas à leur niveau de vie actuel.

Nous somme arrivés à un point de non retour : Les crises que nous vivons actuellement, l’immigration massive, les guerres au Proche-Orient, et les catastrophes naturelles ne sont que les prémices de ce que nous réserve l'avenir si nous ne changeons pas radicalement nos sociétés.

Jean-Marie Delcourt (30/04/15)