La condition du chrétien : 'Ramer à contre-courant'

Après cette fête de la Pentecôte, où il fut beaucoup question de la venue du souffle de l'Esprit , que peut-on dire de cet esprit de vérité, bien mystérieux ?
Son rôle n'est pas très connu, ni très évident. Il consiste principalement en un approfondissement et une actualisation de la Bonne Nouvelle de Jésus. Il est sagesse et discernement, il nous rappelle toutes choses et nous les fait comprendre.

Non que la pensée de Jésus soit une pensée compliquée et obscure. Ce serait même le contraire. Non, l'évangile est difficile non à comprendre mais à vivre parce qu'il est radicalement nouveau. C'est la nouveauté du message qui a étonné plus d'un auditeur, qui a dérouté les premiers disciples, qui nous surprend encore aujourd'hui. C'est pourquoi nous avons besoin de l'Esprit, qui est l'esprit même de Jésus, pour en découvrir le sens véritable.

En quoi consiste cette nouveauté ? A mon sens, elle est double :
D'abord, elle manifeste une grande originalité par rapport à la pensée religieuse juive, inspirée certes par la Loi de Moïse mais augmentée d'une avalanche de prescriptions. Pour Jésus, la Loi est au service de l'homme et non le contraire. A l'amour de la Loi, il préfère la Loi de l'amour. Souvenez-vous du passage de Mathieu où il répète à plusieurs reprises "On vous a dit…Moi, je vous dis". On vous a dit "Œil pour œil, dent pour dent" moi je vous dis d'aimer vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous ont fait du mal. Pas facile à accepter, pas facile à vivre !

L'enseignement de Jésus est aussi original par rapport au penchant naturel de l'être humain. Ainsi, il n'est pas naturel d'aimer ses ennemis, pas naturel de pardonner à ceux qui nous ont fait du mal, pas naturel de fraterniser avec un étranger, avec quelqu'un qui ne pense pas comme nous… Il est plus valorisant d'être un gagnant, d'être compétitif, de vaincre et d'écraser ses concurrents, de se venger quand on nous a fait du tort. "La vengeance est un plat qui se mange froid".

Ces valeurs prônées par nos penchants naturels ou par l'idéologie ambiante, le Christ, avec les mots de Jean, les appellent "les idées du monde", à ne pas confondre avec l'autre sens du mot "monde" qui signifie la terre entière, l'humanité vers laquelle sont envoyés tous les baptisés. Le chrétien vit dans le monde, il est même "le sel de la terre" mais il lui est demandé de ne pas épouser "les idées du monde".

Mais, me direz-vous comment faire le tri, comment distinguer les valeurs prônées par Jésus des valeurs du monde ?
C'est ici que l'Esprit intervient, c'est un esprit de sagesse, de lucidité, de discernement.
Ne pas être du monde, c'est savoir lui dire "non", même si cela n'est pas facile, même si notre égoïsme personnel nous en rapproche.
Dire non au culte de l'argent et de l'avarice,
Non à l'injustice, au matérialisme et à l'individualisme ambiant,
Non à l'oppression des pouvoirs, au racisme…
C'est pour cela que nous avons besoin de l'Esprit, c'est lui qui nous aide à faire le bon choix, à séparer le bon grain de l'ivraie, séparer ce qui est du monde des valeurs évangéliques, non seulement intellectuellement parlant mais aussi dans nos comportements.

Le chemin du chrétien est un chemin de crête, c'est souvent une situation inconfortable que de marcher comme un funambule, entre l'exigeante logique de l'amour de Dieu et de nos frères et les forces instinctives qui nous en éloignent. Mais pour ne pas être découragé devant l'ampleur de la tâche, Jésus continue de nous accompagner et de prier pour nous son Père.

Jean-Marie Delcourt