Les révoltes arabes

Contrairement aux idées folles des néo-conservateurs américains qui pensaient imposer la démocratie par la force, on assiste, pour la première fois dans l'histoire récente, à l'effondrement de dictatures sous la seule poussée des peuples. Et cela, de façon pacifique et non-violente, du moins en Tunisie et en Égypte.

La grande originalité de ces révoltes arabes en même temps que leur crédibilité, c'est qu'elles ne s'expliquent ni par la haine de l'Occident ni par celle d'Israël. Elles ne se font pas au nom de l'Islam et ne sont pas manipulées par Al-Quaïda.

Il s'agit de révoltes soulevées au nom de la démocratie, de la liberté d'expression, de la dignité humaine, de la justice sociale. Ce sont des revendications laïques en vue de l'installation d'un État moderne. Toutes valeurs bien connues en Occident mais qu'on oublie de mettre en pratique, trop habitué à se contenter d'incantations.

C'est pourquoi un observateur neutre ne peut que s'étonner de la frilosité avec laquelle ces révolutions ont été accueillies en Europe, en général.

Ces mouvements ont été vus par le petit bout de la lorgnette. Soit en pointant le risque d'échec pouvant "déboucher sur des dictatures pires que les précédentes", soit en attisant la peur des flux migratoires devenus incontrôlables.

Au lieu d'entendre les politiques encourager cet élan démocratique, inattendu , on a pu lire cette proposition qui a l'air d'un gag : "Qu'on remette dans les bateaux les immigrés venus de la Méditerranée !"

Pourtant, une analyse sérieuse pourrait faire apparaître beaucoup d'éléments fort intéressants à la fois sur les changements profonds dans les pays du Magreb et sur nos propres aveuglements. Si elles ont fait tomber des murs, ces révoltes ont aussi fait basculer pas mal de préjugés.

De plus, elles jouent le rôle d'un miroir qui nous renvoie nos complaisances, nos responsabilités vis-à-vis de régimes dictatoriaux trop longtemps courtisés.

En effet, sans l'Occident (dont la F.N. de Herstal avec la bénédiction de la Région wallonne) qui a armé et soutenu ces pays, ces autocrates ne seraient pas restés si longtemps au pouvoir

C'était très rassurant de les maintenir en place. Chacun y trouvait au moins 3 avantages : leur faire jouer le rôle de garde-côtes vis-à-vis de l'immigration clandestine, assurer sans vagues notre approvisionnement en gaz et en pétrole et surtout, nous protéger contre le terrorisme islamique.

Cette politique trouvait sa justification dans une théorie qui vient de se fracasser contre les faits, à savoir qu'une diplomatie des droits de l'homme ne s'applique pas aux pays arabes, peu matures et s'accommodant de pouvoirs forts. Le Coran, bien sûr, était incompatible avec la démocratie et ne pouvait cohabiter qu'avec des théocraties.

Toute cette vision du monde arabe s'est écroulée en quelques jours.

1. L'immigration !
   Ce n'est pas en cassant le thermomètre que la fièvre disparaît. Ce n'est pas parce qu'on ne la verrait plus chez nous que la misère et l'exploitation de l'Afrique auraient disparu comme par enchantement. Cette politique de l'autruche permettait de nous déresponsabiliser en évitant de prendre en compte les causes des migrations.
   D'ailleurs, qui, aujourd'hui, accueille le plus de réfugiés libyens ? La Tunisie et l'Égypte.
2. Le terrorisme ! L'islamisme !
   Les révoltes sont essentiellement laïques. Les barbus ont été pris de court par une jeunesse "face book"ou "twitter", très éduquée, ouverte sur le monde et qui sait faire la part des choses. Elle ne veut pas tomber de Charybde en Scylla et troquer une dictature contre une théocratie.
   Là aussi, il y a un effet de miroir : on regarde ailleurs pour ne pas regarder chez soi. Car ces partis islamistes, qui, évidemment, vont exister, ne sont pas plus dangereux que la montée de l'extrême droite en France, en Belgique, au Pays Bas ou encore au Danemark.

Le monde arabe de demain reste à construire. Il sera différent, moins accommodant aux désirs de l'Europe et de l'Amérique. Mais si les révoltes obtiennent un résultat positif, elles pourraient peut être nous donner des leçons de démocratie participative et de répartition plus équitable des richesses.

Jean-Marie Delcourt