Au moment de quitter ce monde, Jésus envoie ses disciples en mission en leur disant : "Allez. De toutes les nations faites des disciples… Enseignez-leur à garder tout ce que je vous ai prescrit. Moi, je suis avec vous jusqu'à la fin des temps."(Mt 28, 19-20) Pendant longtemps, on a cru que cette parole s'adressait aux prêtres, aux missionnaires chargés d'aller porter l'évangile dans les pays lointains, les pays de mission. Le Concile Vatican II a eu raison de rappeler que, du fait de notre baptême, nous sommes, prêtres et laïcs, tous responsables de la mission. D'ailleurs, pour qu'il n'y ait pas d'équivoque, c'est à tous ses disciples et non aux seuls apôtres que Jésus adressait son dernier message d'envoi. Aujourd'hui, notre environnement immédiat, notre travail, nos loisirs, sont notre terrain de mission. Mais comment répondre à l'appel du Christ dans un monde sécularisé, matérialiste et indifférent ?
Certes, nous voulons bien être missionnaires, mais comment faire ? Doit-on être des propagandistes ? Doit-on s'inspirer de la technique du "porte à porte" utilisée par les Témoins de Jéhovah ? Peut-on, à chaque fois qu'on rencontre un non croyant, vouloir en faire un disciple du Christ comme cela se pratique dans certains mouvements charismatiques ? Pour moi, le but n'est pas de conquérir les âmes ou de convertir à tout prix, mais plutôt de témoigner de la pertinence de l'évangile par notre comportement et notre engagement au service des autres. "Ce qui montrera à tous que vous êtes mes disciples, c'est l'amour que vous aurez les uns pour les autres" (Jn 13,35).
Les Écritures ne donnent aucune assurance que l'annonce de l'évangile produira réellement la foi chez tous les hommes. En évoquant la tâche du chrétien, Jésus évoquait plutôt des images comme celles du levain, de la lumière, du sel de la terre. N'est-ce pas plutôt le destin de l'Eglise d'être une minorité dans la famille humaine ? Un missionnaire est un homme qui respecte les cultures, les traditions et les spiritualités qu'il rencontre. Sa démarche est surtout un service offert à la communauté humaine. Évangéliser, c'est se donner à ceux avec qui on vit. Cela ne veut pas dire qu'il faut mettre sa foi en poche. Évitons une trop grande pudeur, une trop grande discrétion : avoir tellement peur de forcer la main qu'on oublie de dire qu'on est chrétien. Il ne faut pas tomber dans le piège d'une certaine laïcité qui voudrait confiner la religion aux sacristies. Face aux dérives de notre société capitaliste gangrenée par la corruption, l'avidité, l'égoïsme et l'illusion matérialiste, le chrétien, à la suite du Christ, peut et doit avoir une parole prophétique.
Minorité agissante, au milieu de la pâte, les chrétiens doivent rappeler aux hommes d'aujourd'hui que le bonheur n'est pas dans l'accumulation de biens matériels mais dans la sobriété et la solidarité avec les plus faibles. "Mon royaume n'est pas de ce monde"(Jn, 19,36) avait dit Jésus, mais il avait ajouté "il n'est pas seulement aux cieux mais il est aussi en vous". Ainsi, le chrétien, s'il n'est pas de ce monde, doit vivre dans le monde non pour le subir ou le fuir mais pour le faire grandir. C'est pourquoi être missionnaire, c'est porter les valeurs évangéliques au cœur du monde contemporain, et être fier de proposer la parole de l'évangile, comme une solution à la crise que nous traversons. Certes, tout ceci doit se faire avec doigté, tolérance et respect des opinions d'autrui, en sachant que les chrétiens n'ont pas le monopole de la charité et de la justice. Ils ne sont pas propriétaires de la Parole de Dieu. L'Esprit Saint souffle où il veut et peut éclairer aussi un non-croyant.
