La Grèce, pays délinquant ?

La Grèce, pays délinquant ?

Deux nouveaux partis issus de la crise , en Grèce et en Espagne, Syrisa et Podemos ("nous pouvons"), sont occupés à faire trembler l'Europe en voulant transformer l'indignation sociale née des politiques d'austérité à Bruxelles en processus électoral participatif ,en un mot en donnant la parole au peuple, de façon vraiment démocratique !

Ces nouvelles formations politiques sont occupées à faire sauter le bipartisme, l'alternance entre libéraux et socialistes , tout en résistant à l'idéologie néo- libérale dominante. Celle-ci présentée comme incontournable , depuis la formule célèbre de Thatcher « il n'y a pas d'alternative » est responsable des politiques économiques qui ont mené depuis 2008 à la paupérisation des peuples. Deux millions de Grecs sur 11 millions vivent en dessous du seuil de pauvreté : un taux de chômage de 25 % , catastrophique chez les jeunes ( 60%) , une sécurité sociale en berne, des salaires et des retraites diminués de 40%, des coupures d’électricité en grand nombre..

On comprend qu'assez facilement la révolte du peuple grec s'est manifestée dans les urnes et a mené au pouvoir le parti d'Alexis Tsipras, d’autant plus qu'il promettait de reprendre son indépendance et d'en finir avec les réformes drastiques imposées par Bruxelles. Ce n'était pas faute d' efforts de la part de la« troïka » menaçant la Grèce de lui couper les vivres et organisant un chantage honteux pour faire pression sur l'électorat rebelle.

Et pourquoi ? Pour que la Grèce rembourse sa dette, qui, malgré tous ces sacrifices, s'est creusée depuis le début de la crise financière.

Mais de quelle dette parlons-nous ?

D'après le professeur Friedman, le plus grand bénéficiaire de remise de dette a été l'Allemagne et cela plusieurs fois : en 1924, 1929,1932,1953. ( Réforme du 29/01/2015)

Le peuple allemand se dédouane assez facilement des dommages de guerre qu'il doit à la Grèce, par un argument qui ressemble à un sophisme : nous ne sommes pas responsables, ce sont les nazis qui ont causés toutes ces destructions et de plus les traités internationaux ont considérés que le problème était clos. Cela me fait penser à la réaction de ceux qui disent haut et fort que les tueries et la barbarie de Daesh, au nom d'Allah n'ont rien à voir avec l'Islam. A ce que je sache les nazis étaient des allemands. Certes je ne fais pas d'amalgame car je sais qu'il y a eu des maquis de résistance mais il ne faut pas effacer d'un trait de gomme l'aveuglement de ceux qui ont suivi Hitler.

L'Allemagne, assez paradoxalement, a perdu les deux dernières guerres mondiales mais elle a gagné la guerre économique.C'est Angela Merkel qui, au sein de l'Europe Unie, exerce son leadership et dicte sa loi, une loi d’airain en imposant l'austérité pour tous les pays endettés. Peu le savent mais cette dette grecque a en fait été rachetée par la « troïka » avec de formidables plus-values pour les banques privées, notamment allemandes.

Par contre, on oublie vite tout ce que ce pays nous a apporté, en terme de civilisation et c'est incalculable. Pendant que nous Gaulois vivions dans les cavernes, les grecs enfantaient la poésie, l’épopée, la philosophie, la géométrie , le théâtre et la démocratie directe même si elle était réservée aux citoyens masculins.

Ce cadeau inestimable de la Grèce vaut bien un effacement (même) partiel de la dette vis à vis des nations européennes.

Le Deutéronome avait aussi inventé un système pour réduire les inégalités entre les citoyens : le jubilé et sa remise des dettes , tous les 7 ans, pour plus ou moins remettre les compteurs à zéro.

« Tous les sept ans, vous accorderez une remise de dettes à vos débiteurs.... tous ceux qui ont prêté de l'argent à leur prochain doivent renoncer à être remboursés ; ils ne doivent pas contraindre un compatriote, leur prochain, à payer sa dette. » (Deut 15,1-2)

A l'heure où les dettes des États européens les obligent à pratiquer des politiques d'austérité touchant les plus pauvres, ne pourrait-on pas s'en inspirer ?

Jean-Marie Delcourt