Quand la Bible inventa la réduction du temps de travail
L'idée de réduire le temps de travail (RTT) ne date pas d'aujourd'hui. C'est une invention du peuple juif qui, lorsqu'il reprit la semaine de 7 jours des Assyriens, a toujours voulu mettre à part le dernier jour de la semaine, le sabbat, pour le consacrer à Dieu et au repos des hommes et des animaux. Quand les prêtres de Jérusalem, en exil à Babylone (VIe s) écrivent le poème qui introduit la Genèse (Gen 1-2), ils racontent la création de l'univers sur les 7 jours de la semaine, en n'oubliant pas de légitimer le sabbat par le fait que Dieu se reposa ce jour là, certaines traductions parlent même du fait que "Dieu chôma". Mais alors de quoi parle t-on quand on parle du "chômage" ? De nos jours, ce terme a pris un sens péjoratif. C'est, en fait, une réduction sauvage du temps de travail, inégalement répartie, ayant comme conséquence l'apparition d'une société duale : d'un côté, ceux qui ont un emploi et de l'autre, ceux qui en sont exclus. Ce chômage, forcé et discriminatoire, aux conséquences psychologiques graves, engendre une société minée par le désespoir et la précarité. Comment sortir de cette impasse ? D'abord en reconnaissant que compter sur la relance de la croissance pour créer des emplois n'est plus une bonne solution. D'une part cela augmente l'empreinte écologique que tout le monde s'accorde à vouloir diminuer, si l’on veut éviter une catastrophe climatique. Et d'autre part, ce serait reprendre la spirale "production-consommation", qui est aliénante pour l'homme et crée un monde purement matérialiste, dans lequel celui-ci est réduit à être un "homo économicus". La seule solution crédible pour retrouver une société pacifiée est le partage du temps de travail. Il est urgent de retrouver l'esprit de la Genèse, ce bel équilibre entre travail et loisir, pour tous. "Travailler moins pour vivre plus" est possible dans la mesure où le temps de travail est mieux réparti sur l'ensemble des travailleurs, chacun cédant quelques heures de son temps de production pour que tous puissent avoir une activité rémunérée. Certes, pour finaliser ce beau projet que d'aucuns trouveront utopique, il faut deux conditions : les gains de productivité doivent être ristournés aux travailleurs au lieu d'augmenter les dividendes des actionnaires et des grands patrons. Ensuite, il faudra réapprendre le "bon usage du temps libre". Il ne sera bénéfique que si chaque travailleur se désintoxique de la mentalité consumériste ambiante. Si ce temps libre consiste à faire du travail en noir, des heures supplémentaires ou à consommer d'avantage, le but poursuivi ne sera pas atteint. Le temps libre doit devenir, par contre, un temps consacré au lien social et à la créativité. Il faut orienter ces activités de loisirs vers l'autoproduction. Les exemples d'emploi du temps sont nombreux : cuisiner ses repas, ses confitures, ses conserves, cultiver un potager, entretenir sa voiture, bricoler, aider et jouer avec ses enfants, suivre des cours, faire du bénévolat, du troc et des échanges de services, etc. Dès lors, la richesse ne sera plus l'argent, ni le temps de travail mais le temps libre, lui-même devenu productif et créateur.