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Face aux nombreux cas de harcèlements entre élèves dans les écoles secondaires, certaines ont décidé d’agir en utilisant la méthode No Blame, qui signifie « pas de sanction ». C’est le cas, par exemple, de l’Institut de la Providence à Wavre.
Le principe de la méthode No Blame est simple: on ne punit pas le ou les harceleur(s), mais on met en place un dispositif d’intervention afin que cesse le harcèlement. Cette méthode, venue tout droit d’Angleterre, a séduit Pascale Maljean, la directrice de l’établissement wavrien. En collaborant avec les éducateurs et les enseignants, la direction a alors mis en place une cellule, nommée Ecout’Emoi, qui reprend les sept étapes de la méthode No Blame. Des étapes que nous explique la directrice:
La première chose à faire, c’est de parler avec l’élève qui est ou qui semble être harcelé. On clarifie les choses parce que, parfois, il peut être perturbé par des choses qui n’ont rien à voir avec l’école, un problème familial par exemple. On lui demande d’expliquer ses émotions. Lorsqu’il s’agit d’un cas de harcèlement avéré, on propose au jeune de mettre en place un groupe d’entraide. Pour former ce groupe, l’élève doit établir une liste de 8 noms: avec ceux qui l’ennuient, avec des noms d’élèves neutres, des noms d’élèves qui sont positifs avec lui, et enfin des noms d’élèves qui ont de l’influence dans la classe ou dans le groupe.
On réunit alors le groupe, et ce de façon assez informelle. On va trouver les élèves dans la cour, ou alors en classe et on leur demande s’ils sont libres à la récré pour une réunion spéciale. Cela doit rester simple, rien n’est prévu longtemps à l’avance. Lorsque le groupe est formé et réuni, on explique aux 8 membres qu’on a un problème en tant qu’adulte, puisqu’un des élèves ne se sent pas bien dans la classe. Cet élève n’est évidemment pas présent. On ne revient pas sur les faits, mais on parle des émotions du jeune harcelé. Cela se fait toujours en présence de deux adultes, la personne qui a eu les contacts avec l’élève et souvent un professeur qui a un bon contact avec ce jeune. L’objectif, c’est de développer de l’empathie chez les membres du groupe, car bien souvent ils ne se rendent pas compte de la violence de leurs propos ou de leurs faits.
Un des adultes présents prend alors la parole. Il parle en son nom: « J’ai un problème parce que tel élève est vraiment très mal dans ma classe, il pleure énormément pour le moment. Il se sent exclu. Il n’a plus envie de venir à l’école. En tant que titulaire, je ne peux pas le laisser comme ça. J’ai besoin de vous. Je sais qu’on va trouver des idées ensemble pour améliorer la situation. Quelles sont vos idées? Que peut-on mettre en place pour que cet élève se sente mieux? » Et comme on ne rentre pas dans les faits, aucun membre du groupe n’est incriminé. Chacun est libre de s’exprimer et de partager ses idées.
Ensuite, on demande à chaque élève d’imaginer une action concrète à faire avec la victime de harcèlement. Elle doit être réalisable dans la semaine. Et ça ne doit pas être simplement « je vais être sympa » mais plutôt des propositions comme « on doit faire un travail à deux en français, je vais me mettre avec lui », ou encore « on prend le même bus, je vais aller m’asseoir près de lui aujourd’hui ». L’élève qui harcèle l’autre peut, par exemple, proposer de ne plus parler à l’élève qu’il ennuie. Le principe c’est que chacun apporte sa petite pierre à l’édifice. Avec toutes ces actions, l’élève qui se sent à l’écart va pouvoir trouver sa place petit à petit.
Après une semaine d’actions, « les choses se sont mises en place et en général, l’élève qui était en souffrance sourit de nouveau, il revient à l’école. Lui qui était rejeté se sent à nouveau accepté, faisant pleinement partie du groupe. On constate une vraie transformation de l’élève », confie Pascale Maljean. Les professeurs retrouvent alors les élèves du groupe lors d’un rendez-vous individuel et leur demandent s’ils ont pu réaliser leurs actions.
La plupart du temps, l’élève harcelé est de nouveau intégré après quelques jours. Il se sent mieux, et le phénomène de harcèlement prend fin. Et comme les harceleurs ne sont pas sanctionnés, il n’y a pas de représailles. Même si c’est important qu’il y ait un adulte qui cadre, ce sont les jeunes qui sont en action. C’est très stimulant car ce sont eux qui apportent la solution. « S’ils peuvent partir dans leurs vies d’adultes en se disant qu’ils ont réussi à faire quelque chose en se mettant ensemble, qu’il y a des solutions quand chacun apporte une petite partie du puzzle, on aura mis une bonne petite graine en eux », souligne Pascale Maljean.
Depuis la mise en place de la cellule Ecout’Emoi, plus aucune situation de harcèlement n’est remontée jusqu’au bureau de la directrice. Les professeurs gèrent. Même l’ambiance a changé, elle est beaucoup plus sereine. Des activités sont même mises en place pour que les élèves apprennent à mieux se connaître, à sortir des préjugés et des a priori qu’ils ont au départ. « Parce qu’au final, une classe ce sont des élèves qui vont devoir vivre ensemble pendant un an », explique Pascale Maljean. « Et aujourd’hui on est de moins en moins habitué à vivre ensemble, puisqu’on est très souvent seul, devant nos ordis… A l’école on est d’abord et avant tout un groupe, et il faut que ce groupe fonctionne bien ».
A l’Institut de la Providence, le corps professoral et la direction sont contents. Parce que même si ces actions demandent du temps et de l’investissement, le jeu en vaut la chandelle.« Quel temps gagné, quels résultats probants », explique encore la directrice. « On remplit vraiment notre mission d’école. On fait de nos jeunes des futurs citoyens. Et s’ils partent en tant qu’adultes avec ça dans leur mémoire, on aura fait quelque chose de bien. »
Natacha COCQ
COCQ, N. ‘No Blame’ la méthode pour agir contre le harcèlement dans les écoles. Cathobel [en ligne]. 7 mars 2016. http://www.cathobel.be/2016/03/07/no-blame-la-methode-pour-agir-contre-l...
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