Ecouter, entendre et se questionner

« Et bien les jeunes… ils dégustent ! »
Ce sont là, les paroles prononcées par une enseignante accompagnant des élèves lors d’une retraite que le SDJ animait récemment.

Durant une animation, où les jeunes avaient l’occasion de partager «un petit bout d’eux », elle venait d’être frappée, de plein fouet, par la réalité vécue par la plupart d’entre eux.

Une première pour elle… mais pas pour nous qui animons depuis tant d’années et entendons sur une année scolaire plus de 700 jeunes, de tous les horizons, s’exprimer.

Un réalisateur en panne d’inspiration trouverait, sans conteste, son bonheur pour écrire son prochain scénario. Mais il ne s’agit pas ici de cinéma ou de fiction;

C’est bien la vraie vie, leurs vies, qu’ils évoquent.

Pouvant rester dans l’anecdotique (tellement plus confortable et sans risque) quand on leur propos de parler d’eux, la grande majorité choisit pourtant un tout autre chemin.

Et là, du plus profond du cœur et des trippes, et avec parfois un immense courage, ils vont partager qui ils sont et leurs histoires. Et à travers elles, leurs angoisses, leurs colères, leurs immenses tristesses, leurs incertitudes et leurs vives douleurs.

Des sentiments et des émotions présents dans les mots qu’ils prononcent et la symbolique qu’ils utilisent. Mais aussi perceptibles dans leurs yeux qui révèlent et ne peuvent trahir ce qui il y a au plus profond d’eux-mêmes.

Il y a des évènements terribles sur fond de drames familiaux, amoureux, sociaux (et ils sont nombreux !) qui rendent légitimes ce qu’ils ressentent.

Et puis, il y a aussi tous ces petits faits paraissant si anodins et qui ont assurément une portée insoupçonnée sur leur vie, sur l’image qu’ils ont d’eux et leur devenir.

Les gestes, les attitudes et les paroles prononcées, le plus souvent par leurs pairs, leurs proches ou les adultes qui les côtoient de temps à autres, leur font mal et installent de façon insidieuse le doute sur leurs compétences et leurs valeurs.

Quand l’un deux raconte, un lourd silence s’installe dans le groupe ouvrant vite la place à l’empathie. Les regards traduisent peu à peu la bienveillance mais aussi une prise de conscience de chacun. Car si les propos touchent assurément, ils ont aussi un effet «boomerang» renvoyant chacun à sa propre histoire, à ses certitudes et à son mode de fonctionnement.

Pourquoi ont-ils tant besoin de raconter ici et maintenant ?

Les moments de bonheur sont-ils à ce point si rares ou ont-ils vraiment du mal à capturer les instants qui leur apportent la joie, les rendent fiers d’eux, les encouragent, les tirent vers le haut,…?

Se sentent-ils coupables d’avouer aux autres (et à eux-mêmes) qu’ils sont parfois «heureux de vivre» préférant alors occulter volontairement les instants magiques de leur existence ?

Et plus largement…

• Quelle est la vision de leur avenir ? Qu’espèrent-ils ?
• Sont-ils capables d’entendre et de comprendre qu’ils sont estimables, utiles, et importants pour quelqu’un ?
• Pour qui ou pour quoi ont-ils envie de vibrer, de continuer à tenir debout ou pour certain de se relever ?
• Qu’attendent-ils d’eux-mêmes, des autres et du tout autre ?
• Qu’attendent-ils de nous qui les accompagnons pastoralement, et pour un instant, sur le sentier de leur vie ?
• ...

Tout animateur qui se pose ces questions y trouve déjà en partie des réponses.

Continuer à se les poser personnellement et en équipe aide à mieux définir sa mission pastorale auprès des jeunes et son rôle de «pasteur» qui guide, témoigne, fait grandir, annonce une nouvelle qui peut faire du bien, encourage, fortifie et propose la Foi comme un chemin qui fait vivre.

Sabine D.