Les trois évangiles synoptiques racontent le fait que, après son baptême par Jean et avant d'entamer sa vie publique, Jésus, conduit par l'Esprit, s'est retiré 40 jours au désert pour y être tenté par Satan. Chez Matthieu, on distingue bien les trois tentations auxquelles Jésus va être confronté et qu'il va surmonter, en citant à chaque fois une Parole de l'Écriture. Ce récit, placé au début de sa vie publique, est en réalité comme une feuille de route, une lettre de mission. Il s'agit de trois chemins qu'il aurait pu emprunter s'il avait succombé à la facilité et recherché la gloire pour lui-même. Pour se faire acclamer de la foule, il aurait pu faire l'éloge de l'avoir, du pouvoir et faire valoir de façon éclatante sa divinité.
Cet étrange dialogue entre Jésus et Satan ressemble à une joute où l'on voit chacun faire assaut d'érudition scripturaire. Les réponses de Jésus sont toutes tirées du Deutéronome et font allusion à des épisodes bien connus de la traversée du désert par les Hébreux.
La réponse de Jésus à la première tentation : "il est écrit : ce n'est pas seulement de pain que l'homme doit vivre", fait référence au don de la manne. Le peuple récrimine, dans le désert, les vivres sont rares, il est tenaillé par la faim et tenté de revenir en arrière "au pays d'Égypte, quand nous étions assis auprès de la marmite de viande, nous mangions à satiété." C'est la tentation de privilégier l'avoir sur l'être. C'est d'un point de vue profane la tentation de privilégier la sécurité et le bien être matériel en acceptant d'être privé de liberté. C'est l'illusion de croire la publicité quand elle nous dit que le bonheur se trouve dans la consommation. L'homme a autant besoin de raisons de vivre que de moyens de subsistance.
A la deuxième tentation, Jésus répond "Tu ne mettras pas à l'épreuve le Seigneur ton Dieu". Dans le désert, Israël souffrit de soif et douta : "Le Seigneur est-il au milieu de nous, oui ou non ?" "Mettre Dieu à l'épreuve", c'est lui demander sans cesse de nous prouver qu'il nous aime. Pourtant, celui qui a la foi peut souvent voir l'action de la grâce dans sa vie.
A la troisième tentation, quand Satan lui propose un pacte : "Tu posséderas tous les royaumes de la terre, si tu te prosternes devant moi", Jésus répond "Il est écrit : C'est devant le Seigneur ton Dieu que tu te prosterneras et c'est lui seul que tu dois adorer". De toute sa vie, Jésus ne profitera pas de sa puissance pour s'affirmer. Sa puissance sera celle de l'amour, une puissance au service des autres. Chaque fois qu'il a connu la tentation du messianisme temporel, Jésus l'a repoussée pour ne s'appuyer que sur la seule Parole de Dieu. Après la multiplication des pains, il s'enfuit. Il s'est toujours refusé à utiliser la violence pour rétablir le Royaume de David. Dommage qu'au cours des siècles de Chrétienté, l’Église n'aie pas toujours eu comme priorité d'être du côté des opprimés, des faibles, des persécutés plutôt que du côté de César.
Si Jésus a raconté à ses apôtres les tentations qui lui vinrent à l'esprit au seuil de sa vie publique, c'est pour nous montrer que ces tentations sont de toujours. Il n'y a pas de honte à être tenté, si Jésus l'a été, nous pouvons l'être aussi. Mais c'est y résister qui n'est pas facile. Nous avons au moins appris de Jésus que c'est grâce à la Parole Dieu que nous sommes plus forts pour combattre le mal. "L'homme ne vivra pas seulement de pain mais de toute parole sortie de la bouche de Dieu" ( Mt 4,4)