Face à l’individualisme moderne naît la nécessité pour l’Église de recréer du lien social, d’aider les chrétiens à se rencontrer en Église, à faire l’expérience du vivre ensemble, à découvrir le sacrement du frère. La nouvelle évangélisation passe également par la proposition de lieux d’expérience spirituelle forte et communautaire. La démarche du pèlerinage répond à cette double demande sociale et spirituelle, en alliant approfondissement de la foi, expérience spirituelle et vie fraternelle.
Le pèlerinage est un christianisme complet, affirme le Dominicain Albert-Marie Besnard dans son célèbre ouvrage Par un long chemin vers toi. Trois traits le caractérisent :
il est départ, chemin et passage, en arrachant de l’esclavage des habitudes;
il est réponse à un appel, en partant vers un lieu sacré où Dieu semble plus accessible;
il est fraternité et réconciliation, en faisant tomber les barrières sociales ou générationnelles.
Loin d'être une nouveauté ou une mode, la démarche de pèlerinage est présente dans toutes les traditions religieuses, sur tous les continents et en tout temps. Les pèlerinages chrétiens n’existent pas comme tels durant les premiers siècles, par manque de liberté du christianisme. Ce n'est qu'avec l'édit de Milan au 4e siècle qu'ils vont se développer progressivement, d’abord vers la Palestine. Puis, aux pèlerinages sur les lieux saints durant l’Antiquité va s’ajouter à partir du 12e siècle le pèlerinage de substitution aux croisades (comme Saint-Jacques-de-Compostelle), favorisé par les papes pour la christianisation de l’Europe. Après un déclin du 15e au 18e siècles, le pèlerinage retrouve une nouvelle jeunesse au 19e siècle, comme une réaction à la sécularisation. Ils ont alors surtout comme destination des lieux d’apparition mariale. Les 20e et 21e siècles voient l’émergence d’autres types de pèlerinage : Taizé, JMJ, retraite en communauté, séjour en ermitage, marche pour les vocations, etc.
On le voit, la démarche du pèlerinage est très présente dans l’histoire et la spiritualité chrétiennes. Néanmoins, elle ne trouve son véritable sens que si le déplacement physique vers un autre lieu s’accompagne d’une purification de l’homme intérieur, d’un esprit de conversion, d’une attitude d’écoute et de réceptivité : «Tu ne te rapprocheras pas de Dieu en changeant de lieu : où que tu sois, Dieu viendra à toi, si ton âme est telle que le Seigneur puisse venir y faire sa demeure. Mais si l’homme intérieur est en toi plein de mauvaises pensées, tu auras beau te trouver au Calvaire, tu auras beau monter sur le Mont des Oliviers, ou même t’établir sur le Saint Sépulcre de la Résurrection, tu seras aussi loin d’accueillir le Christ en toi que ceux qui n’ont jamais confessé la foi» (Grégoire de Nysse).