Pas de paix sans toi

Qui aurait pu penser qu’au moment de la commémoration du centenaire du début de la première guerre mondiale il y aurait des bruits de bottes aux portes de l’Europe, qui aurait pu penser qu’au moment où tous les discours disaient presqu’en concert « Plus jamais ça… », il y aurait encore des pays qui livrent des armes aux protagonistes ; des écoles bombardées, des familles déplacées, des adolescentes enlevées, des jeunes privés de tout avenir constructif ?

La liste des pays en guerre serait longue même si, en tête, nous ne gardons que celle transmise par les médias ; Ukraine, Irak et le conflit Israélo-palestinien en oubliant le Cambodge, Centrafrique, Est du Congo, Lybie, Somalie plus de 30 pays selon les analystes de la Communauté Sant’ Egidio. La plupart des conflits entremêlent intérêts politiques, revendications ethniques, prétextes religieux, passions communautaires avec toujours un fond d’intérêts économiques et des volontés de toute puissance… La question que nous pouvons nous poser est de savoir si cela nous concerne vraiment. Un jeune européen a-t-il quelque chose à voir avec tout cela ? Il ne faudrait pas tomber dans un pessimisme dépressif.

Il y a 100 ans, des jeunes comme nous, allemands et alliés, s’entretuaient dans les tranchées ; il y a 70 ans, d’autres jeunes mouraient dans le débarquement et dans une grande conquête de la libération et maintenant l’Europe a ouvert les frontières, nous pouvons nous rencontrer, non pas pour faire la guerre, mais pour construire. Par des réseaux sociaux, il est possible de se faire des amis de partout et d’aller au-delà de toute frontière… Certes, aujourd’hui, la question se pose autrement qu’il y a 70 ans, 100 ans… mais cette question doit sans cesse être posée.

Elle doit être posée parce que la paix n’est pas seulement le silence des armes et l’absence de guerre, la paix ne consiste pas à des simples compromis et des faux dialogues qui peuvent masquer des peurs, des fuites et des violences ignorées. Certainement qu’un jeune européen est concerné d’une manière ou d’une autre parce que ce sont nos pays qui livrent une partie des armes, nos contributions qui attisent la convoitise de la plupart des combattants, un certain nombre de nos politiciens sont impliqués de manière directe ou indirecte dans des conflits sans parler des jeunes qui, actuellement, s’engagent activement dans des guerres comme par exemple en Syrie.

Oui, je suis concerné parce que

• à l’heure où il y a des multiples injustices créées par la mondialisation des réseaux économiques,
• à l’heure où les plus exaltés sont les plus efficaces, productifs et les plus rentables,
• à l’heure où se crée en douceur une culture de l’exclusion et du déchet des hommes et des femmes « qui ne servent à rien… »
• à l’heure où il semble plus facile de se refermer sur soi à la recherche d’un certain « cocooning » devant « mon petit écran » et de la fabrication de « mon bonheur personnel » qui n’est qu’une illusion…
• à l’heure où on n’a plus peur de parler ouvertement et de manière populiste de l’ « autre » différent comme un ennemi à bannir et source de tous les maux…
• à l’heure où les réseaux sociaux servent des tribunaux pour des condamnations hâtives et expéditives, on ne peut pas rester indifférents et il est grand temps pour toi et pour moi de nous dire qu’il n’y aura jamais de paix sans nous…

La paix est avant tout un rêve à transformer en réalité par la contribution de chacun.
La paix commence par le visage de l’homme avant de colorer le monde entier.
La paix ne sera jamais qu’une fabrique des tables de négociation mais un produit comme « un fait maison » issu de notre intérieur et qui se répand partout…
La paix est toujours une conversion intérieure donc un dynamisme qui nous ouvre vers l’extérieur.
La paix est une grâce qu’on reçoit qu’on ne peut garder pour soi-même.
La paix est un art du vivre ensemble qui nous engage dans nos relations…

D’où la nécessité de se poser sans cesse cette question ; de qui est-ce que je fais mon prochain en dépassant toutes barrières et toutes frontières et en allant au-delà de toute volonté de toute puissance écrasante, de fusion mortifère et de la tentation du tout « tout de suite… » ?

Comment est-ce que j’engage ma volonté pour être un homme de paix, de pardon et de réconciliation ?

Parce que notre bonheur sera de travailler à un véritable artisanat de la paix, chacun de nous est concerné et donc pas de paix sans toi.

Eric

Texte inspiré du témoignage de l’abbé Manhal Boulos, prêtre syrien venu témoigner pour les jeunes lors du WE du 2-3 août, des homélies du 21/07 et des discours des commémorations du début de la première guerre mondiale du 4/08.